mer

25

nov

2009

Loi sur la récidive : une de plus, pour quels résultats ?

Pour la quatrième fois depuis 2007, le gouvernement impose à l'Assemblée l'examen, à marche forcée d'un texte sur la récidive. La logique médiatique l'emporte encore une fois sur la raison. FDR et l'ensemble de l'opposition se sont opposés à un texte de circonstance, qui vient se heurter à la réalité des choix budgétaires du gouvernement.

Explication de vote de Noël Mamère, au nom des députés Verts.

M. Noël Mamère. C’est la quatrième fois que le Gouvernement propose à la représentation nationale de légiférer en matière de récidive. Cette fois, vous avez franchi un cap qui, nous l’espérons, ne sera pas irréversible. Vous partez en effet d’une inversion de la pyramide du droit puisque votre texte repose sur la rétention de sûreté, laquelle permet d’enfermer des gens au nom de leur dangerosité supposée alors que, suivant le principe du droit qui fonde notre pacte social, l’on ne peut décider d’enfermer quelqu’un qu’à partir du moment où il a commis une infraction.

Que ce texte soit vicié dès le départ est dangereux pour nos libertés, dangereux pour la démocratie. S’il n’y avait que cette raison - mais il y en a, malheureusement, beaucoup d’autres - cela suffirait pour que le groupe de la gauche démocrate et républicaine se prononce avec détermination contre l’adoption de ce texte.

Il s’agit, je le répète, du quatrième texte sur la récidive qui nous est soumis ; c’est, en fait, un texte de circonstances, à la veille d’élections régionales. Il suffit d’écouter qui le Président de la République, qui le Premier ministre, qui le ministre de l’intérieur pour se rendre compte que, avec la question de la sécurité, il s’agit de braconner sur les terres du Front national à la veille de ces échéances électorales.

M. Patrick Lemasle. Absolument ! Il a raison.

M. Noël Mamère. Vous jouez de manière honteuse avec les statistiques. En effet, vous ne dites pas aux Français que la récidive ne concerne que 1% à 2 % des personnes qui sortent de prison. Et, sur ce pourcentage, on dénombre - cinq ans après la détention - seulement 0,5 % de récidivistes dont 1 % de délinquants sexuels.

La réalité est la suivante : vous avez essayé, lors du débat sur ce texte, de transformer la justice en instrument de vengeance plutôt qu’en instrument de réparation. Je rappelle à la représentation nationale les propos tenus par de Mme la garde des sceaux devant des caméras de télévision sur la question de la castration. On essaie en effet de faire croire au bon peuple de France que la castration chimique est irréversible et que l’on s’en prend à la chair de l’auteur d’un crime sexuel. Ainsi, comme le souligne le comité européen contre la torture, on peut l’assimiler à une forme de torture.

Au cours de notre discussion, Mme la garde des sceaux a osé nous expliquer que l’on pouvait envisager de débattre de la castration physique. Le Front national ne s’y est pas trompé : M. Le Pen a parlé de castration par la tête. Voilà donc que, subrepticement, débat après débat, dans la perspective des élections régionales et à propos d’une loi de circonstance guidée par la tyrannie de l’émotion, l’on tourne autour de la question de la peine de mort que la gauche a courageusement abolie en 1981 ! On va évidemment nous dire au dernier moment qu’il ne s’agit pas de cela. En fait, il s’agit de récupérer une partie de l’électorat que vous croyez avoir acquis tant il est vrai qu’on ne siphonne pas le Front national en récupérant ses idées. Comme le dit le président du Front national, les électeurs préfèrent l’original à la copie.

N’oublions pas non plus, comme notre collègue Dominique Raimbourg nous y invite, de regarder les moyens qui sont donnés à la justice. Quelques chiffres sont significatifs : on compte seulement 350 juges d’application des peines pour 25 000 affaires et, à la cour de l’Oise, entre autres, on est passé de quatre à trois juges d’application des peines pour plus de 1 000 détenus et plus de 1 400 personnes qui sont sorties de prison.

M. Roland Muzeau. Eh oui !

M. Noël Mamère. Comment, dans ces conditions, est-il possible d’assurer le fameux suivi socio-judiciaire institué par la loi de 1998 ?

En outre, il n’y a pas suffisamment de médecins coordonnateurs. De plus, lorsque l’on se rend dans les maisons d’arrêt, celle de Beauvais par exemple, mais cela est vrai ailleurs, on se rend compte que l’on a supprimé les CMPR - ces lieux dans lesquels on peut lutter contre les psychoses et les maladies mentales - pour installer de nouvelles cellules parce qu’il faut faire du chiffre !

En matière pénale comme en matière policière, ou pour ce qui concerne les sans papiers, la seule politique qui vaille à vos yeux, c’est la politique du résultat et du chiffre.

Plutôt que de traiter les hommes et les femmes qui sont des criminels sexuels comme des bêtes, essayons de les traiter de manière humaine, de croire qu’il y a encore en eux...

M. le président. Merci de conclure.

M. Noël Mamère. ...une part d’humanité que l’on peut aller chercher. Inspirons-nous du jury qui a récemment été appelé à se prononcer sur le cas d’un homme qui, à sa sortie de prison, a commis un viol. Plutôt que de le condamner à perpétuité, il l’a condamné à une peine de prison - longue certes -, mais dans la perspective du rachat, dans la perspective de la réparation. C’est dans cet esprit que nous sommes sur les bancs de gauche et c’est la raison pour laquelle nous voterons contre cette loi sécuritaire, imbécile, populiste et démagogique. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur de nombreux bancs du groupe SRC.)

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