mar

06

déc

2011

Le plan de rigueur, un empilement de taxes pour financer des dogmes dépassés.

"Taisez-vous, de Rugy !"

François de Rugy a exprimé, lors de la séance d'explication de vote, l'opposition des député-e-s écologistes au projet de loi de finances rectificatives qui marque le deuxième plan de rigueur gouvernemental en deux mois. Il a notamment, chiffres à l'appui, démontré que la plupart des nouvelles taxes sont en fait destinées à financer des erreurs fiscales sur lesquelles le pouvoir, par idéologie, se refuse à revenir. Interrompu par le président de l'assemblée avant la fin de son propos, il n'a pas pu aller au bout de son explication. En voici le texte intégral.

" Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues,

 

les Français qui nous regardent ne doivent plus comprendre grand chose aux débats qui sont les nôtres, tant les textes budgétaires se succèdent, comme portés par les vagues de la crise financière.

Nous avions eu l'incongruité de l'examen d'un budget 2012 en parallèle, ou presque, avec une loi de finances rectificatives pour 2011.

A peine ce budget adopté, voilà que survient un nouveau correctif, imposé par des prévisions de croissance revues à la baisse.

Et alors que nous sommes appelés à voter cette nouvelle mouture - une potion bien amère- bâtie sur une prévision de croissance de 1%, voilà que les organismes spécialisés - pour ne pas parler des agences de notation - nous annoncent une croissance inférieure de moitié à celle que vous avez retenue dans cette loi de Finances rectificative !

Le texte que nous sommes donc appelés à adopter aujourd'hui est déjà, en grande partie, caduc.

Il l'est du fait de la conjoncture, je l'ai dit.

Mais il l'est également du fait des obligations que le président de la république et la chancelière allemande négocient en ce moment même dans la plus parfaite opacité. Car ce texte que vous nous présentez ne satisferait pas aux obligations que le duo infernal de la politique européenne s'apprête à imposer aux membres de l'Union.

Je le disais en préambule : le citoyen n'y comprend plus rien à votre stratégie budgétaire et fiscale.

Contre toute évidence, vous refusez de reconnaître que l'essentiel de vos mesures prises en 2007 nous ont conduit à l'échec. Pressés par la dure réalité des faits, vous avez successivement dû raboter un certain nombre de dogmes : celui du bouclier fiscal, celui des heures supplémentaires défiscalisées... Mais comme vous ne voulez pas perdre la face, et parce que les dogmes ont la vie dure, vous êtes revenu à demi sur ces erreurs fondatrices du quinquennat présidentiel.

Et comme vos mesures de 2007 ont conduit à l'impasse que l'on sait - et à un creusement sans précédent de notre dette publique- , vos demi-mesures de 2011 vous contraignent à des exercices de haute voltige budgétaire, qui se traduisent par la multiplication des lois de finances - qui n'empêchent pas une absence de résultats.

La défiscalisation des heures supplémentaires n'a pas été supprimées : le chômage en pâtit directement. Je suis d'ailleurs frappé de constater - et il suffira de se référer aux débats que nous venons d'avoir en en consultant les comptes rendus pour tristement le vérifier - à quel point cette question de l'emploi a été absente de nos débats. A quel point vous vous êtes résolus à voir la courbe du chômage s'envoler, sans rien y faire. Une politique fiscale qui n'a pas pour but principal d'accompagner l'emploi en ces temps de crise sociale aiguë, c'est une politique fiscale criminelle. Vous aviez l'occasion, dans ce Projet rectificatif, de vous inspirer de l'exemple allemand, qui vous inspire tant dans les discours, en favorisant le recours au chômage partiel à haut niveau d'indemnisation. Vous vous êtes entêté dans la défiscalisation des heures supplémentaires. le résultat est là, dramatique : un million de chômeurs de plus depuis 2007.

Vous continuez à afficher le dogme d'une non-augmentation des impôts. Je n'ai pas été élu pour cela, ne cesse de répéter le président de la République. Pendant ce temps, en catimini, notre assemblée se charge du sale boulot : en ne procédant pas à l’indexation des barèmes de l’impôt sur le revenu sur l’inflation, comme cela se fait chaque année, vous procédez de fait à une augmentation générale de l’impôt sur le revenu, du moins pour celles et ceux qui le paient, sans compter ceux qui, à cause de cette mesure, vont devoir le payer alors qu’ils en étaient exonérés – autrement dit les classes moyennes.

 

En juillet dernier, en échange de la suppression du bouclier fiscal, vous avez modifié profondément le mode de calcul de l'Impot de Solidarité sur la Fortune. Nous vous avions mis en garde contre le coût généré pour le budget de l'Etat : 1 milliard 800 millions d'euros. Vous nous aviez presque ri au nez...

1 milliard 800 millions, c'est précisément la recette que vous espérez aujourd'hui, par cette Loi de Finances de circonstance, générer grâce à la hausse du taux réduit de TVA. Vous pourrez triturer les chiffres comme vous le voudrez, Madame la Ministre, pour les Français, la vérité est là : la hausse de la TVA que votre majorité s'apprête à adopter aujourd'hui ne vient rien faire d'autre que financer la baisse de l'ISF accordée cet été à des contribuables dont le niveau de patrimoine est supérieur de 8 fois au patrimoine moyen des Français !

Madame la ministre, vous prétendez que ces textes successifs sont la conséquence de la crise. Mais la crise, elle vient aussi de votre inconséquence. Vous avez été élus sur un dogme : celui d'une hyper financiarisation de l'économie, celui de la dérégulation et de la baisse des prélèvements au profit des plus aisés de nos concitoyens. D'ailleurs, en 2007, le président assumait pleinement cette direction : " une économie qui ne s'endette pas suffisamment, disait-il alors, c'est une économie qui ne croit pas en l'avenir, qui doute de ses atouts, qui a peur du lendemain". Comment ne pas relire ces propos aujourd'hui avec quelque exaspération - et je pèse mes mots- devant un tel aveuglement dogmatique ?

Dans vos adaptations fiscales successives, vous ne faites qu'écoper les voies d'eau que vous avez créées auparavant. Mais rien ne prépare l'avenir. Rien ne rétablit la justice au coeur des choix fiscaux et budgétaires. Notre assemblée s'apprête à voter des taxes, là où le pays aurait besoin d'une politique.

C'est la raison pour laquelle nous n'accorderons pas nos suffrages à ce projet de Loi. "

 

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