Projet de réforme constitutionnelle : lettre au Président de la République

Annoncée au lendemain des attentats de Novembre lors de la réunion du congrès à Versailles, la réforme constitutionnelle doit être examinée à l'Assemblée nationale dès la semaine prochaine, en commission, puis dans l'hémicycle à partir du 5 novembre. François de Rugy, chef de file des député-e-s écologistes réformistes sur le sujet, et Barbara Pompili coprésidente du groupe parlementaire, exposent au Président l'état d'esprit dans lequel ils abordent l'examen du texte.

Monsieur le Président de la République,

Le 16 novembre 2015, devant le Parlement réuni en Congrès à Versailles, moins de trois jours après l'attaque terroriste la plus meurtrière que la France ait subie depuis la fin de la Seconde Guerre Mondiale, vous avez prononcé un discours fort appelant à l'unité nationale et indiquant votre détermination à prendre toutes les mesures permettant de protéger la France et les Français. Vous avez annoncé une série de mesures contre le terrorisme ainsi qu'une réforme de la Constitution.

Après consultation du Conseil d'Etat, le gouvernement a présenté un projet de loi de réforme constitutionnelle en conseil des ministres le 23 décembre dernier. Ce texte suscite de vives controverses au sein de tous les groupes parlementaires de la majorité, et en premier lieu au sein du groupe socialiste. À ce stade, il n’est pas garanti qu’existe une majorité pour voter ce projet de réforme de la Constitution.

En vue de son examen à l'Assemblée nationale, en commission le 27 janvier prochain et en séance plénière le 5 février prochain, vous avez décidé de consulter certains partis représentés au Parlement.

Sur la forme, nous tenons à préciser que nous ne sommes en rien engagés par les positions qu’exprimeront Cécile Duflot, qui ne représente qu’une des deux sensibilités du groupe écologiste à l’Assemblée nationale et Emmanuelle Cosse, qui ne dirige qu’une des deux formations écologistes représentées au Parlement.

Sur le fond, nous souhaitons donc vous faire connaître notre état d'esprit et nos propositions. Tout d'abord, il nous paraît souhaitable que cette réforme aboutisse et puisse être adoptée par la majorité de l'Assemblée nationale, mais aussi au Sénat et ensuite à la majorité des trois cinquièmes du Parlement réuni en Congrès.

En tant qu'écologistes réformistes, nous comprenons la logique juridique qui vise à constitutionnaliser l’état d’urgence, au même titre que les autres états d’exception, comme le sont les pleins pouvoirs (art. 16) et l’état de siège (article 36). A nos yeux, mieux encadrer la procédure supposerait que soit spécifié dans la rédaction de l'article 1 de cette réforme constitutionnelle que le Parlement exercera un contrôle de la mise en œuvre de l'état d'urgence. Nous souhaitons également que la Constitution précise que le renouvellement de l'état d'urgence est soumis à un vote du Parlement chaque fois qu'il excède une durée de trois mois, et déposerons des amendements en ce sens lors du débat parlementaire.

Il parait assez clair que l'article 2 du projet de réforme constitutionnelle, dans son contenu et sa rédaction actuels, n’est pas en mesure de réunir une majorité. Établir une peine à la portée symbolique forte pour garantir la mise à l’écart de la communauté nationale de terroristes condamnés définitivement pour crimes suppose que tous les député-e-s soient réellement associés à son élaboration, qui ne saurait être le simple fruit d’un compromis interne au principal groupe de la majorité.

Si nous voulons faire vivre au Parlement l'aspiration des Français à l'unité nationale, dans la droite ligne de l'appel que vous aviez lancé à Versailles le 16 novembre dernier, il faut impérativement trouver un compromis acceptable par une large majorité de l'Assemblée et du Sénat. Pour notre part, fidèles à notre engagement d'écologistes réformistes, refusant les postures oppositionnelles perpétuelles, nous sommes prêts à y contribuer activement et concrètement.