lun

30

jan

2012

Les promoteurs immobiliers, grands gagnants du loto présidentiel ?

Dans une interminable intervention télévisée, aux accents parfois pathétiques, le président de la république a annoncé un certain nombre de mesures dont l'application n'aura, si les Français en décident, aucune conséquence : elles sont prévues pour n'entrer en œuvre qu'après les élections présidentielles et législatives et une nouvelle majorité aura à cœur de les remette à plat.

Mais au delà de ces écrans de fumée, il est une mesure qui, si elle était adoptée en février comme le président l'a annoncé, pourrait venir bouleverser la vie quotidienne de nos quartiers. Le président a en effet annoncé son intention de voir la constructibilité de tous les terrains et immeubles augmentée de 30 % pour les trois années à venir.

François de Rugy s'est adressé au ministre du logement pour lui faire part de ses préoccupations. 

 

>> lire le courrier adressé au ministre 

 

Monsieur le ministre,

Dans son intervention télévisée d'hier soir, le président de la république a annoncé son intention de voir la constructibilité de tous les terrains et immeubles augmentée de 30 % pour les trois années à venir.

 

Si une telle modification des règles d'urbanisme pourrait faire le bonheur des promoteurs, elle pose un certain nombre de questions auxquelles je souhaiterais que vous apportiez réponse rapidement.

 

Chacun sait que les règles de constructibilité sont la résultante de décisions des collectivités locales - communes et intercommunalités. La détermination des PLH (programme local de l'habitat) et des PLU (plan local d'urbanisme) est soumise à des procédures de concertation publique, qui associent les services des collectivités territoriales, les élus, ainsi que les habitants. Au final, ce sont les assemblées locales qui adoptent les règles, après enquêtes publiques. Cette annonce présidentielle s'apparente à un ultime et désespéré coup politique destiné à cacher l'échec de la politique menée par le gouvernement en matière de logement. En bouleversant ces règles de manière abrupte, le président de la république méconnait le principe constitutionnel de la libre administration des collectivités locales.

 

De manière très concrète, on mesure chaque jour sur le terrain à quel point, dans certaines zones urbaines denses et attractives, la multiplication des projets immobiliers suscite des interrogations légitimes de résidents, qui appellent l'attention des pouvoirs publics sur les conséquences de nouvelles constructions en termes de qualité de vie, de circulation, de capacité des réseaux techniques existants. J'ajoute que la nécessaire construction de logements neufs qui passe par le renouvellement urbain et une certaine densification, ne peut pas être menée correctement sans que soient anticipées les conséquences de l'arrivée de nouvelles populations en termes de services de proximité (crèches, écoles, réseaux de transports publics, commerces notamment).

 

C'est toute la grandeur - et la difficulté - de la tâche des élus locaux que d'allier la réponse aux besoins en termes de logements et la protection de l'environnement et du cadre de vie ou l'amélioration de la qualité de vie.

A qui fera-t-on croire que c'est depuis un bureau parisien - fût-il situé à l'Elysée - que peuvent se régler à la hussarde des questions aussi lourdes de conséquences pour  la vie quotidienne des habitants des villes ou des communes péri-urbaines ? 


En décrétant de manière aveugle et autoritaire une modification générale des règles de constructibilité des terrains et des immeubles, ce n'est donc pas seulement la démocratie locale que le président de la république met en cause : il casse les fragiles équilibres des PLU, souvent déjà contestés. Il livre encore plus nos villes à l'appétit incontrôlé des promoteurs immobiliers. Il fait des promoteurs les véritables aménageurs du territoire. C'est l'ultra-libéralisme appliqué à l'urbanisme!

 

Qui  gèrera demain cette absence d'anticipation dans la dégradation de la qualité de vie, la non-programmation des espaces et des services publics ? 

 

Comment se traduira ce droit à construire relevé de 30%? Par des hauteurs d'immeubles augmentées de 30%? Par la suppression totale des espaces verts de ces nouveaux immeubles ?


 

La première conséquence concrète de cette annonce sera une plus grande spéculation sur les terrains constructibles dans les zones attractives et un renchérissement immédiat du prix des terrains : cela rendra l'accession à la propriété ou la construction de logements sociaux encore plus difficile !


Je souhaiterais connaître au plus vite les détails et les voies légales par lesquels le gouvernement entend mettre en œuvre cette lubie présidentielle annoncée sans aucune concertation avec les élus locaux et les professionnels du logement.

Soyez assuré, Monsieur le ministre, que nos concitoyens seront très attentifs à votre réponse, et que je m'opposerai, avec mes collègues parlementaires écologistes, par tous les moyens qui sont en notre pouvoir, à cette atteinte à la démocratie locale et aux droits des citoyens qui s'annonce aussi brutale qu'inefficace pour résoudre une crise du logement à laquelle vous avez été incapable d'apporter, au cours des cinq dernières années, des réponses pertinentes. 

 

 

écrire commentaire

Commentaires: 2

  • #1

    Metivier (lundi, 30 janvier 2012 18:13)

    Bravo de dénoncer une "future" nouvelle entorse à la démocratie et une porte ouverte au laisser faire à l'heure ou l'on s'interroge légitimement sur la densification des villes et de leur donner un coté humain voilà un obstacle supplémentaire à des chartes de constructibilité équilibrées.

  • #2

    jp leconte (mardi, 31 janvier 2012 21:19)

    oui en terme d'aménagement et de planification urbaine c'est une régression de plus de trente ans. Trente année d'effort pour gérer l'aménagement des villes et des territoires au plus près des habitants et des citoyens, avec de fait une extraordinaire explosion et amélioration de la vie urbaine, de la qualité des paysages et des environnements produits. Une mesure de ce type avait pointé le nez avec la suppression à la hussarde des zone de protection du paysage, on avait aussi vu se pointer les simplifications et allégements des dossiers de contrôle des projets de travaux... là c'est vraiment le triomphe de la volonté du laisser faire et de l'arbitraire.... très démagogique et cynique dans l'annonce à la veille d'une fin de quinquennat.... un vrai coup de force, tordant le coup à tout respect de l'esprit démocratique... de quoi vraiment être indigné... et passablement inquiet!

  • loading