mar

08

sep

2009

Carbone : le temps de la responsabilité et de la solidarité

Tribune co-signée avec Yves Cochet et Noël Mamère, députés Verts, Sandrine Bélier et Yannick Jadot, députés européens d'Europe Ecologie et
Christophe Caresche, Pascal Deguilhem, Jean Launay, Geneviève Perrin-Gaillard, Philippe Plisson, Philippe Tourtelier, Géraud Guibert, Eric Loiselet (députés et animateurs du Pôle écologique du Parti socialiste).


Parue sur Mediapart.

Pour Jean Monnet, « nous n'avons le choix qu'entre les changements que nous aurons su vouloir et accomplir et ceux qui nous seront imposés ».

 

La prise de conscience de ce que représente le défi climatique pour l'avenir de nos sociétés et des efforts qu'il faudra accomplir pour le relever progresse. L'idée que l'inaction finira par coûter plus cher économiquement et socialement que l'action fait son chemin. Mais, dès lors qu'il s'agit d'envisager concrètement une mesure mettant à contribution chacun d'entre nous, les résistances et les oppositions se dressent.

 

C'est compréhensible de la part de nos concitoyens tant que le travail d'explication n'a pas eu lieu.

 

Mais ça l'est beaucoup moins de la part de dirigeants politiques qui prétendent conduire notre destinée collective. Les belles proclamations sur la nécessité de prendre en compte l'urgence écologique s'évanouissent devant la démagogie et l'électoralisme. L'irruption du débat sur la contribution climat énergie en cette rentrée politique en est l'illustration. Nul n'ignore que le feu couvait sous la cendre, au PS, mais aussi, bien sûr, à l'UMP.

 

De retour de vacances, les députés de la majorité ont commencé à exprimer leur opposition au projet de taxe carbone, même largement édulcoré, que porte encore le gouvernement.
Si l'on ajoute à cela l'opposition frontale des extrêmes, à droite comme à gauche, les conditions sont réunies pour que la classe politique choisisse de remettre au placard l'une des principales propositions du Pacte écologique de Nicolas Hulot, une proposition fédérant toutes les associations environnementales.

 

Au-delà de la question du prix de la tonne de carbone, et de celle, cruciale, des modalités de redistribution, de quoi s'agit-il ? Rien de moins que de choisir d'avancer vers la transformation écologique de notre économie et de notre société.

 

Il y a vingt ans déjà, à  la veille du premier sommet de la terre à Rio, un premier projet de taxe carbone, d'envergure européenne, a échoué, victime des égoïsmes nationaux. Aujourd'hui, c'est la démagogie anti-fiscale qui risque de disqualifier, et pour longtemps, la possibilité de construire un consensus national autour de ce qui peut constituer une avancée majeure dans la voie de la responsabilité collective.

 

Si rien n'est fait pour limiter, maintenant, la dépendance de notre société et de notre économie à l'égard du carbone, alors, soyons en certains, comme Cécile Duflot le déclarait à La Rochelle, «demain, ce seront les prolos qui paieront la facture la plus lourde». Nos sociétés n'ont plus le choix; soit elles prennent dès maintenant des mesures, certes contraignantes, mais solidaires pour faire face aux chocs climatique et énergétique soit elles les subiront demain dans l'improvisation et l'injustice.

 

Certains croient peut-être que l'on pourrait s'en remettre au marché : sans la moindre anticipation, le choc des prix de l'énergie sera brutal. Les conséquences sociales seront dramatiques.

 

Tel est l'enjeu de la création de la contribution climat énergie : permettre à chacun d'adapter son comportement et ses modes de consommation progressivement.

 

Pour être réellement efficace, socialement et environnementalement, la contribution climat-énergie doit remplir trois conditions, que le gouvernement ne semble malheureusement pas disposé à mettre en œuvre.

 

Le périmètre de cette contribution doit inclure impérativement le secteur de l'électricité et pas seulement celui des énergies fossiles. Pour deux raisons : une partie de notre électricité est produite par des centrales thermiques, de plus il n'est pas souhaitable d'encourager le chauffage électrique, coûteux en particulier pour les ménages modestes. L'objectif de la contribution Climat Energie ne peut se réduire à une taxe carbone qui privilégie une énergie par rapport aux autres mais doit favoriser les économies d'énergie.

 

Le « signal prix » doit être suffisamment clair pour modifier les comportements. Cela signifie qu'à moins de 32 euros la tonne de carbone, niveau proposé par la commission Rocard, il est peu vraisemblable que cette contribution ait un impact significatif, la hausse du prix de l'énergie n'étant pas suffisamment sensible, ni suffisamment certaine, pour que les utilisateurs modifient leur consommation.  L'Allemagne a instauré une taxe carbone sous-évaluée qui n'ayant pas produit d'effets sensibles sur la consommation est contestée. A contrario, la Suède en a instauré une dès les années 1990 et a obtenu les meilleurs résultats d'Europe en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre. C'est par ailleurs la social-démocratie la plus souvent citée comme modèle en Europe...

 

Il faut fixer un prix adapté dès la création de la contribution, avec un prix qui augmente progressivement avec les années comme le prévoit le rapport Rocard.

 

Enfin, il faut que la contribution climat énergie ne pénalise pas les ménages les plus modestes ou les plus contraints (habitants des zones rurales) ou les artisans et les TPE/PME qui n'ont pas le choix, pour le moment, de leurs modes de transport ou de chauffage.

 

Il est clair que la condition de l'acceptabilité  de la contribution climat énergie est qu'elle ne contribue pas à  creuser les inégalités. Au contraire, elle doit être un premier pas sur la voie de la solidarité à construire face à l'injustice climatique.

 

Cela signifie que l'intégralité  du produit de cette contribution devra être reversée aux ménages et aux entreprises qui la payeront. La contribution Climat Energie n'est pas un impôt supplémentaire destiné à dégager des ressources nouvelles pour combler partiellement un déficit ou remplacer un impôt supprimé. Elle est une incitation à changer de comportements. Plusieurs mécanismes redistributifs ont été évoqués. Le plus simple et le plus lisible consiste à reverser aux ménages et aux entreprises de la manière la plus égalitaire possible le produit de cette taxe sous la forme d'un chèque vert. C'est précisément ce qui permet à chacun d'accompagner financièrement les changements de comportement et de récompenser ceux qui font le plus d'efforts en la matière. D'autres mesures plus ciblées sont envisageables, notamment pour les zones les moins bien desservies par les transports en commun.

 

Au-delà de ces mesures, cette contribution doit être incluse dans un «paquet énergie/climat» d'ensemble, prévoyant notamment une contribution supplémentaire des grandes entreprises, des compagnies pétrolières et des grands groupes énergétiques qui font des bénéfices.
La contribution climat énergie prend tout son sens dans le cadre d'un plan d'action en faveur des transports en commun ou du covoiturage d'une part et de mesures pour l'isolation des logements pour les économies de chauffage d‘autre part.

 

En effet, il importe que notre pays s'engage vers la sortie du pétrole et invente les dispositifs d'accompagnement de tous dans la transition énergétique et écologique. Sans cette perspective, la contribution climat énergie risque, faute d'un sens commun et d'une portée collective, de n'être qu'un coup d'épée dans l'eau.

 

 

Telles sont les conditions qui nous paraissent devoir être remplies pour assurer le succès de la contribution énergie climat.

 

Face à la responsabilité qui est la notre vis-à-vis des générations futures nous n'avons pas le droit de rater sa création. C'est pourquoi nous appelons à suivre le chemin difficile refusant d'un côté les renoncements et les aménagements qui tentent le gouvernement et récusant de l'autre les facilités de la démagogie anti-fiscale qui tente certains de ses opposants.

écrire commentaire

Commentaires: 0

  • loading