mer.

15

mai

2013

Mariage pour tous

J'ai été saisi par madame P. à propos de l'ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe. Je lui ai apporté la réponse suivante : 

Madame,

 

Vous m'avez interpellé sur la question du mariage universel. J’ai bien compris votre opposition à ce projet, et peut-être savez-vous déjà que je suis favorable à cette réforme : ma réponse a moins pour but de vous convaincre – votre opinion semble déjà faite - que de vous expliciter ma position et l’attitude que j’adopterai dans le débat parlementaire qui va s’ouvrir.

 

Les élections législatives ont été l’occasion d’évoquer cette question : mon concurrent en avait d’ailleurs alors fait l’un des thèmes principaux de sa campagne. J’ai pris, lors de ce rendez-vous démocratique, l’engagement de voter une loi qui garantira à toutes et à tous, quels que soient leur orientation sexuelle, le droit au mariage et à l’adoption. Les citoyens et citoyennes de notre circonscription m’ont choisi comme député en toute connaissance de cause : j’entends bien être fidèle à l’ensemble des engagements que j’ai pris – et le mariage pour toutes et tous n’échappe pas à cette règle.

 

Les questions de l'union des couples homosexuels et de l'adoption ont été amplement débattues au cours des quinze dernières années. Elles le seront encore au cours des prochains mois, notamment au Parlement : il n’est nullement question d’occulter ce débat. La loi future sera discutée à l’Assemblée nationale et au Sénat, comme c’est le cas pour tous les textes législatifs. Elle fera, n’en doutons pas, l’objet de discussions dans la société comme dans les médias. Ce respect des procédures parlementaires et du débat contradictoire entre représentants du peuple, en lien avec la société, est au fondement de notre démocratie. Comptez sur moi pour qu’il soit assuré, et c’est dans cet esprit que j’entends aborder mon rôle de législateur, à l’écoute des positions diverses qui s’expriment, mais fort de convictions et d’engagements pris devant mes concitoyens que je n’entends pas renier sous la contrainte de groupes de pression quelconques.

 

La famille a profondément évolué ces cinquante dernières années et notre législation ne saurait l’ignorer. Parce que le mariage est avant tout la reconnaissance sociale d’une volonté commune de deux individus de lier leurs vies et de contractualiser un engagement, refuser aux couples homosexuels d’y accéder constitue à mes yeux une discrimination. Le faire au motif de l’existence du PACS n’est pas convaincant, car le mariage n’est pas le PACS. Je note au passage qu’il est pour le moins curieux de voir ceux qui s’étaient le plus violemment opposés au PACS lors de son adoption prendre aujourd’hui prétexte de ce pacte pour justifier leur refus du mariage pour tous. La vérité est que, à chaque étape dans l’évolution vers l’égalité des droits, les mêmes forces conservatrices s’expriment pour, à chaque fois, refuser cette évolution. C’est parfaitement leur droit ; ce n’est pas ma conviction.

 

J’entends les objections qui portent sur le droit de la famille – et plus spécifiquement sur le statut des enfants. Là encore, il convient de regarder la société telle qu’elle est : non seulement les enfants nés hors mariage sont aujourd'hui majoritaires en France, mais encore les modèles familiaux ont évolué. Les familles monoparentales sont de plus en plus nombreuses, et les familles homoparentales sont une réalité. Le projet de mariage universel ne « crée » pas ces familles homoparentales. Il leur apporte une reconnaissance légale et un cadre stable. Bien loin de mettre en danger les enfants, l’ouverture du mariage et du droit d’adoption pour toutes et tous permettront de mieux les protéger. Invoquer, pour s’opposer à ce projet, l’intérêt des enfants – qui serait mis en danger par la reconnaissance des familles monoparentales - relève du préjugé : toutes les études réalisées à ce jour concluent que les enfants élevés par un couple homosexuel ont autant de chances que les autres de s’épanouir, comme autant de risques de connaître des difficultés psychologiques.

 

J’ajoute que nous mettrons ainsi fin à une hypocrisie sociale que les opposants à l’adoption pour les couples homosexuels omettent généralement dans leurs argumentaires : comment justifier qu’il soit possible pour des célibataires d’adopter un enfant (et aucun des opposants au mariage pour tous n’a jusqu’ici prévu de revenir sur cette possibilité), et refuser dans le même temps l’adoption à des couples homosexuels, au nom d’un modèle familial immuable constitué « d’un papa-une maman-un enfant » ?

L'ouverture du mariage et de l'adoption est donc à mes yeux un acte d'égalité, et pas la promotion d’un « modèle familial » au détriment d’un autre.

 

Je note au demeurant que ce mariage universel est une réalité dans de nombreux pays et que pas un seul des pays qui a ouvert le mariage à tous n'est revenu sur cette avancée.

Si je peux comprendre les doutes exprimés et les respecte, il est toutefois un argument qui me choque profondément : on entend souvent invoquer, pour combattre ce projet de mariage universel, le respect des « lois de la nature ».

 

Pour l’écologiste que je suis, ce rappel est pernicieux et sonne comme une véritable imposture.

D’abord parce que le mariage civil n'a pas pour but la procréation, à l'inverse de certaines conceptions religieuses du mariage - en elles-mêmes respectables, mais qui demeurent de l’ordre de la sphère privée. Mais aussi parce que les dernières décennies ont justement permis aux parents de substituer la volonté au hasard, le choix au destin. Contrôle des naissances, accès à la contraception, interruption volontaire de grossesse, procréation médicalement assistée sont autant d’étapes dans l’émancipation des individus. A chacune de ces étapes, on a entendu les mêmes arguments selon lesquels la législation s’apprêtait à remettre en cause des lois naturelles. Pour autant, bien peu aujourd’hui assumeraient de remettre en cause ces avancés sociétales. Et pour cause : elles permettent de garantir non pas un « droit à l’enfant », mais à l’enfant le droit d’être réellement désiré, mieux attendu, et finalement aimé.

 

En défendant ce droit au mariage et à l’adoption pour toutes et tous, ce n’est donc pas à une « revendication communautaire » que j’entends répondre, mais bien à des principes qui guident mon engagement politique, et que j’ai toujours affirmés en me présentant devant mes concitoyens.

Je souhaite que le débat en cours suive ces principes de tolérance et de respect.

Je m'y emploierai dans les prochains mois, notamment en répondant à toutes les interpellations, comme je le fais aujourd’hui.

 

J’espère que cet esprit de responsabilité animera tous les acteurs de ce débat. Je souhaite notamment  que les dérapages homophobes inadmissibles entendus ici ou là restent isolés et fassent l’objet des poursuites judiciaires qui s’imposent, car l’homophobie n’est pas une opinion, mais un délit puni par la loi.

Pour ma part, je resterai fidèle à mes convictions et à l’engagement pris démocratiquement lors de mon élection : celui d’ouvrir à toutes et à tous le droit au mariage, et à l’adoption.

 

 

 

 

Je vous prie de croire, Madame, en l'assurance de ma considération distinguée.

 

 

François DE RUGY

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